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Niki

Petit rituel poétique du matin :

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La peur de mal faire

La peur du jugement

La peur des critiques

La peur de la famille

La peur du rejet

La peur de me montrer

La peur de soi

La peur d’avoir peur

Et que de moi on ait peur

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À midi, le repas était prêt, la table mise. La famille est arrivée un quart d’heure après et j’avais peur de me montrer. Je suis resté dans la cuisine jusqu’à ce que ma sœur me rejoigne. Me voyant stressé par la préparation du repas, perturbé, malgré la victoire d'hier, Solène m’a raconté son histoire pour me distraire :

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Le week-end dernier, à la fin d'une compétition d’aviron, son coach lui a demandé de récupérer les pieux en bois qui délimitent les emplacements

des bateaux. Avec une copine, elles ont voulu utiliser un vélo triporteur,

c’est un vélo avec un plateau métallique et deux roues à l’avant. La copine conduisait et Solène restait devant, sur le plateau, pour tenir les pieux.

Sur le chemin plein de trous et de bosses, elle essayait tant bien que mal

de retenir les pieux qui bougeaient. Soudain, elle en voit un s’approcher dangereusement d’une roue. Pour éviter un accident, elle décide de l’attraper

et de le ramener vers elle. Seulement ça ne s’est pas aussi bien passé :

lorsqu'elle a approché sa main des pieux, le triporteur a roulé sur une bosse,

ce qui a propulsé Solène qui s'est coincé la main entre la barre de sécurité du vélo et la roue avant gauche qui tournait encore ! En voyant ça et en entendant

ses hurlements, son amie a stoppé et l’a aidée mais, quand Solène a retourné

sa main pour voir les dégâts, elle a en a vu tout l’intérieur ! Ses tendons,

ses nerfs, ses veines, sa chair... L’image lui restait encore en tête,

elle se souvenait de tout, de ses sueurs froides puis chaudes… Brrr.

Elles sont retournées au club en courant et les coachs ont appelé les urgences.

​

Moi, je n'avais même pas remarqué son bandage. Pendant qu’elle racontait

son histoire, je sentais qu’elle me dévisageait, elle regardait plus particulièrement mes cheveux. Je ne savais pas si elle voyait tout ce qui avait changé en moi

alors je me suis lancé. Après tout, c'était la journée ou jamais !

D’abord, j’ai bombé le torse mais elle ne m’a pas totalement cru.

Elle m’a rappelé que je n’ai jamais eu beaucoup de poitrine. Alors, sans réfléchir, j’ai baissé mon pantalon. Elle était choquée : « C’était ça, la surprise !

Pas simplement un arôme de rose dans le framboisier.»

​

Je lui ai demandé si je devais en parler à toute la famille. J’avais peur de créer la pagaille au milieu du repas de famille. Elle m'a gentiment conseillé de m'exprimer, de m’assumer tel que je suis, aujourd'hui.

​

Solène est entrée avant moi dans le salon pour prévenir tout le monde

que j’avais une grande nouvelle à annoncer. Alors, j'ai dit qu'il était arrivé quelque chose de grave à mon amie Leila et que j'aurais besoin de conseils

pour l'aider. J'ai raconté mon histoire comme si c'était celle de Leila jusqu'au détail du repas de famille... Mon beau-père, étonné, a tout pris au premier degré et il a posé tout un tas de questions gênantes jusqu'à ce que mon père s'énerve et qu'ils en viennent aux insultes. Ma mère prenait mon parti, elle ne supportait pas la réaction de son compagnon dont les enfants se sont mis à crier de plus en plus fort et à pleurer. J'avais mis le plat au four, qui a brûlé...

En entendant ce chaos, la voisine a débarqué, il ne manquait plus que ça,

la framboise sur le framboisier.

​

Je suis parti en courant. Mes jambes ne peuvent plus s'arrêter, je n'entends que mon cœur qui bat. Je suis en colère, je vais beaucoup plus vite qu'à l'ordinaire.

Me voilà devant chez Julien, je vais toquer, il va m'ouvrir, me regarder

dans les yeux et on va copieusement s'embrasser.

​

Bon appétit les autres !

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