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Nikita

Aujourd’hui, comme par hasard, j’ai retrouvé sous mon lit ces mots écrits

il y a quelque temps :

​

Le mot « suicide » ne devrait pas exister. J’ai toujours pensé que ce n’était

qu’un meurtre contourné. Il ne suffit pas d’avaler une boîte de cachets,

de se tailler les veines pour mourir. Respirer ce n’est que survivre,

mais qu’en est-il de la vie ? On ne décide pas facilement de mourir,

c’est la pression d’une douleur qui nous y pousse. C’est un désir de paix

plus puissant qu’un désir de vivre. Donc ce mot cliché ne devrait pas exister. Parce qu’il est qualifié d’ « acte de lâcheté ». Alors que c’est l’arme du peuple

qui aura accompli ce que le monde avait d’ores et déjà commencé.

« J’aimerais m’endormir et ne plus jamais me réveiller » si vous saviez combien de fois, combien de gens ont dit ça, combien l’ont pensé, murmuré, intensément souhaité. Après avoir trouvé ça affreusement triste, je me suis rendu compte

à quel point cela pouvait être magistralement beau, parce qu’on continue

de se lever, on continue de se battre malgré tout, malgré ça. On continue

de sourire, d’affronter nos peurs, la solitude, et bien pire, le vide. On continue

de vivre tout simplement et on se rapproche dangereusement du jour où l'on voudra se lever le matin, où on aura plus mal, où on se sentira enfin vivant.

​

Ce matin-là est enfin arrivé, je n’ai plus mal, je me sens vivant.

Mais je suis perdu, j’ai peur du regard des autres, d’être rejeté.

Et je ne sais pas comment faire pour ce putain de match ! Soit je me camoufle comme hier et je prends le risque de faire disqualifier l'équipe, soit je ne joue pas le match le plus important de la saison ?

Tant pis, je me suis engagé et j’ai trop envie d’y aller !

Du coton dans ma brassière, le casque pour cacher mes cheveux mal coupés...

Et go, go, go !

​

***

Voilà, on a tout défoncé ! J’ai mis le dernier essai ! C’était super !

Avant le match, la pression montait mais lorsque l’arbitre a sifflé le coup d’envoi, que le ballon est monté dans les airs, je n’ai plus pensé qu’au rugby.

À cinq minutes de la fin, on perdait 44 à 40 lorsque notre demie de mêlée

a réussi une superbe chistera à la demie d’ouverture qui a enchaîné une belle chandelle en diagonale. Quand j’ai vu le ballon partir dans ma direction,

j’ai couru aussi vite que je pouvais et j'ai remporté le duel, haut dans les airs, 

contre l’ailière d’en face... avant d'aplatir l’essai décisif, entre les poteaux !

​

Lorsque l'arbitre a sifflé la fin du match, juste après la transformation,

toute l'équipe a couru vers moi et m'a porté en triomphe. C'était le feu !

Puis j'ai vu Julien au bord du terrain, j'ai foncé vers lui mais je me suis ramassé dans une flaque de boue. Il m'a relevé... Il y avait comme des étoiles dans ses yeux. Et des papillons dans mon ventre ! Je n'avais jamais ressenti quelque chose comme ça.

Paniqué, j'ai filé sous la douche mais je l'ai rejoint plus tard chez lui.

Il m'a fait essayer des vêtements de mec qui me vont bien, je suis plutôt beau gars. À chaque fois qu'il me regarde dans les yeux, je ressens le même trouble...

​

On se revoit demain soir parce que là, j'avais encore ce framboisier à faire.

Ça m'a pris deux heures ! Tout le monde est couché, j'étais tranquille

dans la cuisine mais il va falloir que je me lève tôt pour préparer le reste

du repas. Quelle journée, je suis crevé !

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