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Joy

Ce matin, je me sentais bizarre au réveil. J'avais la tête qui tournait.

J'étais en train de me diriger vers la salle de bain, tentant en vain ces moulinets

dont Gabriel m'avait largement parlés, quand mon frère est rentré de week-end.

J'ai foncé sous la douche avec l'intention d'y passer le reste de mes jours !

Mais en passant devant le miroir, mon reflet m'a interpelée, quelque chose était en train

de se produire. J'observais mes muscles fondre, ma barbe disparaissait et ma poitrine reprenait ses formes... Et un petit coup d'œil en bas pour découvrir le retour de mon abricot !

​

Au moment de sortir de la salle de bain, tellement soulagée, mon frère s'est précipité

sur moi. Il me reprochait d'avoir saccagé le bureau de papa ! Sans doute un coup du chaton.

Bien agacée, je lui ai lancé que de toute manière, notre père n'était jamais là, 

que c'était à se demander s'il vivait vraiment avec nous, et qu'un ou deux papiers froissés

sur son bureau ne le dérangerait pas beaucoup.

C'est alors que les paroles d'Alex se sont enchaînées et que la vérité a éclaté.

Il m'a expliqué que papa était gravement malade et que c'était la seule et lourde raison

de ses absences. Le monde s'est écroulé, mes problèmes d'apparence, de fille, de garçon,

n'ont plus d'importance. Les larmes me viennent sans arrêt et les mots aussi ont coulé,

pour lui dire ce que je ressens. Je viens de déposer l'empreinte de mon coeur sur la pile

de feuilles de son bureau. Rien n'est plus pareil.

​

​

Pardon Papa...

 

Je sais que tu t’inquiètes pour moi, tu as l’impression que je grandis trop vite

dans ce monde que tu juges malsain. Parfois, je te choque quand je te raconte

ce qu’est la vie aujourd’hui, tu as peur que je fasse les mêmes erreurs que toi.

Ces dernières années, on s’est éloigné et je crois que c’est de ma faute.

La vérité c’est que l’adolescence m’a rendue insupportable envers toi,

j’ai cassé bien des choses en quatre ans.

Aujourd’hui, mes peurs, mes joies et mes peines, tu les apprends indirectement.

Pourtant, il y a tellement de choses que j’aimerais te dire.

Tu es mon modèle, bon sang, qu’est-ce que je t’admire !

Tu es une personne incroyable, beaucoup trop généreuse pour cette société,

ce monde ne te mérite pas, tu sais ? Il n’est pas à ta hauteur.

J’aimerais te ressembler mais c’est dur, d’être quelqu’un de bien.

Je ne sais pas ce que tu penses de moi et c’est une question que je me pose sans cesse.

J’aimerais juste que tu sois fière de ta fille…

Parce que moi, je suis fière de toi et ça fait mal d’avoir l’impression

de ne pas être à la hauteur.

Mais c’est quand, la dernière fois que je t’ai dit « je t’aime » ?

Il y a huit ans ? Dix ans ? Peut-être jamais finalement.

Pourtant, je le pense tellement fort, mais ça fait partie des mots

que je n’arrive pas à dire aux gens qui comptent vraiment.

J’ai peur de te perdre et d’avoir tout gâché.

Il y a peu de temps, j’ai fait un cauchemar où tu mourrais en voiture,

après une de nos disputes. Les derniers mots que j’avais dit à mon père

étaient des reproches. À mon réveil, j’ai pleuré longtemps,

comme une petite fille effrayée, ça avait l’air tellement réel.

Je ne suis pas encore prête à vivre sans toi.

Alors s’il te plaît, ne pars pas avant que j’ai eu le temps de te dire « je t’aime »

parce que ce sont les seuls mots qui comptent réellement.

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